De la rentrée de novembre 1940 à la Libération de Paris en août 1944, l’École ne cesse de fonctionner, mais au prix de profonds boulever sements : elle perd son statut militaire, applique les lois xénophobes et raciales de Vichy, exclut des élèves qui ont décidé de rejoindre les Forces Françaises Libres. La promotion 42 est, à sa rentrée, envoyée dans les Chantiers de la Jeunesse, et la majorité des élèves des promotions 42 et 43 sont astreints au Service du Travail Obligatoire (S.T.O.), en France ou en Allemagne.

En application de l’armistice de juin 1940, l’École est, fin 1940, rattachée au Secré-tariat d’État aux Communications ; mais l’accord de la commission d’armistice se fait attendre jusqu’en septembre 41. L’École, transférée en novembre 1940 à Villeurbanne et Lyon, devait en principe réintègrer Paris en août 1941, en laissant en zone sud les élèves Alsaciens, juifs, prisonniers évadés. Autre satisfaction d’une exigence allemande : l’envoi par le Secrétaire d’État Jean BICHELONNE (X1923) au Général von Stülpnagel, commandant les troupes d’occupation, de l’ensemble des cours professés! Finalement, le retour de l’X rue Descartes n’a lieu qu’en avril 1943. De 1940 à 1944 l’École demeure sous la tutelle des Secrétaires d’État aux Communications, successivement :
> Jean BERTHELOT (X1919S), de septembre 1940 à avril 1942.
> Robert GIBRAT (X1928), nommé lors du retour de Pierre Laval à la Présidence du Conseil en avril 1942, et qui démissionne le 15 novembre 1942.
> Jean BICHELONNE (X1923), de novembre 1942 à la désagrégation de l’État Français en juillet-août 1944.

Pendant ces quatre années, l’X est sous l’autorité de trois gouverneurs : les Généraux Henry CALVEL (X1902) et Pierre DURAND (X1904), en congé d’armistice, et René CLAUDON (X1911), ingénieur général des Ponts et Chaussées. Mais elle est de fait dirigée par le sous-gouverneur Antoine de TARLÉ (X1913), colonel en congé, jusqu’à ce qu’il soit nommé, en juin 1944, au Secrétariat Général du dernier gouvernement Laval.

Les élèves sont encadrés au quotidien par des “chefs de groupe”, officiers X en congé d’armistice ou démobilisés, essentiellement chargés de former des “chefs” dans l’esprit de la Révolution Nationale. Mais l’un deux, Philippe TROCMÉ (X1931), refuse ce rôle et quitte l’École fin 1942 pour rejoindre les Forces Françaises Libres par l’Espagne.

Quant au fonctionnement même de l’École et aux initiatives de l’encadrement, ils illustrent bien un esprit fortement marqué par le maréchalisme ambiant. Le principal objectif poursuivi (et atteint) est la survie de l’X et du prestige de sa formation, d’où le maintien des enseignements, des examens d‘entrée (ceux des promotions 41, 42, 43) et de sortie (pour les promotions 38, 39, 40, 41). Le mythe de “l’excellence” polytechnicienne devait perdurer, fût-ce au prix de l’application sans faiblesse de toutes les lois du régime, à commencer par les lois xénophobes et raciales.